Maïa-Mary

Maïa-Mary

Maïa, on ne regarde pas

Maïa de Stéfane Perraud, est un crâne humain orné de 1 106 diodes lumineuses, dites LED. Les LED produisent une lumière d’une intensité si forte que le support osseux y disparaît. Voilà donc une vanité qu’il nous est difficile de regarder en face, et qui, de surcroît, nécessite une position particulière du corps, pour pouvoir supporter l’éblouissement.
Une oeuvre qui oblige à baisser le regard, à s’éloigner, ou à s’abriter. Ici, ce qui nous oblige à nous détourner, et finalement à nous perdre, c’est le désir de regarder ce qu’on ne peut pas regarder, et l’obligation de nous empêcher nous-mêmes de contempler ce crâne aveuglant, comme on le ferait du soleil.
Face à cette clarté excessive, il ne nous est pas offert d’autre possibilité que de nous fabriquer notre propre labyrinthe. Avec Lueurs, une oeuvre créée en 2008, Stéfane Perraud a proposé une autre version de la vanité, sous la forme d’une figuration lumineuse en temps réel du flux des vivants et des morts.
Il s’agissait alors de donner à voir des données démographiques actualisées en continu, en attribuant une lumière naissante à chaque nouveau-né et une lumière qui s’assombrissait à chaque mourant. On partait ainsi d’une tension existentielle fondamentale, traduite dans des données quantitatives puis digitales, pour revenir enfin à la plasticité de l’installation.
Ce geste de re-matérialisation des données se retrouve dans Modifié#03 (2009), un print où apparaît l’encodage digital des couleurs du tableau Les Glaneuses : les à-plats de couleurs numérisés sont la re-matérialisation qui rend le tableau de Millet perceptible. Avec Maïa, la question est à nouveau posée.
Alors que la vanité renvoie au vertige de ce qui reste, sous la forme d’une dérisoire cavité osseuse vidée de ce que nous fûmes, Maïa, nous propose autre chose : une tête bien pleine, de câbles, de diodes, et de capteurs, qui font penser aux écorchés des cours d’anatomie. Cette fois, la recherche d’une matérialisation et d’une transformation de ce qui est mort donne lieu à une explosion lumineuse dans laquelle l’œuvre s’efface. La perte prend une autre dimension si on songe au type de travail, minutieux et répétitif à l’extrême, que demande une telle œuvre. La tentative de re-matérialisation donne ici lieu à la disparition.
 
Eli Commins, 2009
Mary est une autre version du projet Maïa.