Hystérésia

Nous voilà en face d’une étrange machine à côtoyer l’espace-temps. Elle se nomme Hystérésia : « Hystérésis » vient du grec « hystéros » (« plus tard, placé après ») et désigne, en physique, la persistance d’un phénomène quand cesse la cause qui l’a produit. Cette installation est une station d’écoute d’ondes sonores, un observatoire auditif de fréquences spatiales lointaines  et fantomatiques.

La machine capte des signaux, ceux de trente et un satellites envoyés dans le ciel au temps de la guerre froide, dans les années 1960, puis abandonnés. On dit qu’ils ont été décommissionnés ; ils ont perdu leur fonction. Et pourtant, ils continuent à tournoyer dans une ceinture de déchets célestes au-dessus de la Terre. Par une opération de hacking de fréquences, au moyen d’ondes captées par un système de radioamateurs, il est possible de les suivre à la trace, et de capturer leurs signaux. Mais c’est bien d’un invisible spectral, et d’une archéologie spatiale, dont il est question.

Ainsi, Hystérésia capte un fond diffus cosmique. Pour ce faire, une antenne centrale est utilisée, dont la fonction est de repérer chaque satellite de manière ultra-précise. Nous entendons une annonce. La machine se connecte à l’un des satellites en temps réel. L’antenne change de position selon des coordonnées GPS. La connexion est établie avec OSCAR, ISIS, SOLRAD, SECOR… Commence alors un concert, une symphonie de chants intersidéraux, pour un voyage astral souvent psychédélique. Les nappes sonores peuvent renvoyer autant à de la musique technologique qu’à des chants liturgiques. Les voix envoutantes des sirènes propulsent directement dans les profondeurs du cosmos, vers des contrées abyssales et stellaires.

Pour vivre au mieux l’expérience, il vous est demandé d’être en mouvement dans cette station en plein-air : appréhender la machine avec ses trois pavillons, se mettre en orbite autour d’elle, attendre, puis contempler cette nuit sonore et habitée. À intervalles réguliers, entre les chants, des voix féminines bien humaines interviennent : elles prennent en charge des récits liés à la conquête spatiale, ou encore incarnent toute une mythologie de la nuit et du ciel. Un nouvel imaginaire est alors convoqué, mêlant progrès techniques et récits ésotériques, frôlant des histoires de spiritisme. 

Ces satellites sont en réalité des zombies, des êtres qui ne peuvent se résoudre à s’éteindre. Mettons-nous donc à l’écoute de leurs souffles, de leurs sanglots, des palpitations de leurs cœurs.

Léa Bismuth, 2023


Venez visiter le site d’Hystérésia




Création : Stéfane Perraud et Aram Kebabdjian

Programmation : Nicolas Mistretta
Programmation sonore, mixage : Mathieu Preux
Conception structure et construction : Charles-Henry Fertin 
Assistance Construction : Sophie Monjaret
Site internet : Timothée Rolin
Texte présentation : Léa Bismuth
Production : Olivia Sappey/bOssa